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Ma vie en photo

Ma vie en photo
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22 mai 2011

FAITS DIVERS EN HIVER

Ce n'est pas parce que tu n'es pas d'accord avec moi que tu as raison.

Je garde toujours une distance entre moi et les autres de manière à me protéger d'éventuelles manipulations et de 
trahisons.

Avoir accès à ses désirs.

On ne désire que ce dont on manque.

Le plaisir d'une rivière n'est pas de terminer dans un lac mais de rencontrer les rochers.

There are those who make history and those who set the stage for it.

Le présent n'existe pas mais je ne veux pas savoir d'où tu viens et où tu vas.

aime ta vie telle qu'elle est et non telle que tu la voudrais

c'est pas parce que tu peux le faire que tu dois le faire

Ne pas interpréter ses ressentis en fonction de ses désirs,ses craintes ou ses angoisses.

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22 mai 2011

TU IRAS L'AMBLE

Il est d’usage de penser que les émotions nées d’un voyage sont difficiles à communiquer aux autres.
Abstraites et mouvantes, elles n’en sont pas moins là, ces émotions, aussi réelles que les photos rapportées et qui ont l’avantage d’être concrètes et palpables.
Elles remontent au cœur comme à l’esprit à chaque souvenir, 
à l’ombre d’une évocation, perlant à chaque mot, même hésitant, même murmuré.
C’est seul que Bruno a fait ce voyage.
A son retour, clichés et sensations en bandoulière, petit à petit il a raconté.
J’ai écouté et surtout compris que le choix d’un voyage ne saurait être anodin.
Celui-ci le définit bien.
J’ai alors proposé de mettre mes mots au service de ses photos et d’ainsi tenter de retranscrire ses émotions.
Ou du moins, ce qu’il m’avait semblé en percevoir.
C’est peut-être un exercice de haute voltige.
C’est en tous cas l’histoire d’un partage.

Emmanuelle



TU IRAS L'AMBLE


«Mets tes pas dans les miens puisque c’est pour cela que tu es venu.
Viens.
Laisse de côté ta crainte et même si ma pointure dépasse largement la tienne n’y prends pas garde et n’hésite plus à me suivre.
Si tes pas s’emboîtent aux miens et tant que durera la marche, je t’ouvrirai au monde qui est le mien.
A mesure que ta foulée se règlera à la mienne, tu oublieras d’où tu viens et ce qui fait ta vie. Tu l’oublieras pour un moment seulement mais je souhaite que tout cela s’éloigne de toi.
Parce que pour, ne serait-ce qu’effleurer mon territoire et l’existence que j’y mène, tu ne pourras pas t’encombrer de ce qui pèse lourd en toi et entraverait ton avancée.
C’est toi qui viens à moi.
C’est à toi de faire cet effort là pour venir à ma rencontre et me découvrir.

Moi, je n’ai pas changé: mes habitudes et mes mœurs sont restées les mêmes depuis la nuit des temps.
Ma pensée sauvage que la civilisation n’a pas atteinte continue à dicter mes gestes, mes élans, mes amours. Sans obéir à aucune mode.

Marche derrière moi. Fais attention quand même car bien que je te parle, il me sera agréable que tu saches te faire discret.
Apprends à utiliser les herbes, les arbres ou même le vent pour te dissimuler à mes regards, te soustraire à mes instincts.
N’aie pas peur mais sois humble.
Tu vas fouler un territoire qui n’est pas le tien et pénétrer certains secrets de ma vie.
L’inverse n’est pas vrai.
L’inverse n’est jamais vrai: quand il nous arrive de fouler vos terres, c’est souvent dans la controverse et toujours derrière des barreaux.
Ici, tu vois, point de grille.
A toi de les fixer, ces limites.
Qu’elles te soient dictées par le désir que tu as de m’approcher, le respect de ce que je suis, de ce que je vis, par l’humilité devant ce qui te dépasse et la reconnaissance de nos différences.

Pour qu’il soit beau, ce voyage.
Es-tu prêt?
Alors viens et mets tes pas dans les miens…»

AU MITAN DE LA VIE

Au mitan de la vie, après s’être ouvert aux possibles, avoir tenté des impossibles, essuyé des revers et cru à des bonheurs, où serait le salut?
Où serait-il ce salut ailleurs que dans ma nature profonde?
Où serait-elle alors, ma raison d’être autrement qu’à l’écoute attentive et fidèle de ce que me dicte mon cœur?
Inutile de fuir ce qui devient évidence.
A bas les faux-fuyants qui n’illusionnent personne et certainement pas moi.
Au placard aussi les tentatives pour entrer dans le rang.
Je suis un solitaire.
Ce besoin de silence et de temps ne m’a pas donné, comme aux gens du Sud, le verbe facile et l’éloquence exubérante. A eux les effluves du basilic et de l’huile d’olive, les grandes plages baignées de soleil et les palmiers dont les hautes silhouettes ne m’émeuvent guère.
Je suis un silencieux.
Au clapotis des vagues, je préfère celui de la pluie sur ma tente où, économisant mes gestes et limitant mes bruits, je communie avec ce qui m’entoure.
Conscient de la faveur qui m’est faite, enivré de silence et satisfait des kilomètres que j’ai mis entre mon quotidien et moi.
Je suis souvent dans le ressenti.
Et laisse parler mon cœur qui, depuis plusieurs années déjà, me guide vers des espaces majestueux de calme, où le temps a bien voulu s’arrêter et où toute la magie des paysages du Grand Nord est venue déposer sa lumière.

Après quatre années ponctuées par les accidents et incidents de la vie, un avion tournant une fois encore le dos au Sud, me dépose sur les rives de l’île Kodiak.
Vingt-huit heures de voyage me séparent «d’avant» pour me permettre un «ici et maintenant» au milieu des ours bruns.
Pas vraiment un choix. Une évidence, plutôt.
Un élan qui me pousse à rejoindre ce à quoi, peut-être, je ressemble un peu.

Je suis chez eux, sur le pas de leur porte.
Qu’ils me laisseront franchir si je sais me soumettre aux lois qui régissent leur univers, si je parviens à être là sans être vu ni perçu comme un intrus.
Si je sais me comporter comme, toujours, il faut se comporter en présence de l’Autre: avec respect.
Je franchirai cette porte si cela m’est permis avec, au cœur, la joie neuve d’aller m’abreuver à la source.
Avec, au ventre, la conscience très nette du danger qui souvent accompagne ces grandes émotions naturelles.
Et qui, au milieu des grizzlis, quitte le domaine de la littérature pour entrer dans celui de la réalité.


BALOO

De la violence naturelle à la tendresse, tout est dans l’allure. Je les regarde chahuter. D’un grognement amical, bras ballants et dans un sourire figé l’un d’eux taquine son compagnon cherchant à obtenir une réaction. Notre Baloo est bien réel!
Eprouvant une certaine empathie à leur égard, je comprends alors lequel joue l’indifférent et lequel se fera remettre à sa place. Cette scène me devient de plus en plus familière comme tout ce qui m’entoure depuis mon arrivée. En regardant ces deux là je vois deux ados qui se chamaillent sans raison hormis celle que leur instinct leur dicte: assimiler ces gestes qui ne pourront que leur être utiles à l’avenir.
Une acquisition bien naturelle qui s’apparente au temps vécu sous la tutelle de leur mère. Comme pour nous, leur éducation a commencé grâce à l’observation des faits et gestes maternels. 
De la cueillette à la chasse en passant par la période de rut, c’est en fonction de ses acquis éducatifs qu’ils deviendront respectables.


COMME TOUS LES PETITS DU MONDE


Comme tous les petits du monde, les oursons suivent leur mère et s’attachent à ses pas comme à ses règles d’éducation.
Gare à celui qui s’en détourne!
L’ourse les a nourris avant de leur apprendre les moyens de le faire sans elle.
Elle les a maternés avant de consentir à les voir s’éloigner.
Les a initiés aux dangers qui les guettent et aux meilleures façons de s’y soustraire.
Comme bien des mères aiment à le faire, elle a pris soin de les veiller, eu la patience de subir leurs assauts ludiques, trouvé l’autorité de donner de la voix pour enseigner les gestes et baliser le Chemin.
Plus les jours passent, plus s’étend le périmètre autorisé.
Plus ils grandissent, plus le regard maternel s’allège.

Et puis un jour…

Alors que mère et petit regardaient encore dans la même direction, intrigués d’un même bruit, attentifs à un même spectacle, la mère s’est éloignée.
L’ourson n’y a pas pris garde alors qu’elle sait, sans doute, que le temps en est venu.
Pour la première fois peut-être, leurs centres d’intérêts divergent.
Le contact physique rompu, l’ourson demeure sans appui.
Debout et seul, tout entier tendu vers un ailleurs.
Couché dans l’herbe et immobile, je suis, pour un instant seulement, cet ailleurs, cet inédit.
Le temps d’un regard, celui d’un échange silencieux.
Comme un secret entre lui et moi.
Une porte s’est ouverte. D’autres s’ouvriront.
Désormais assez fort pour affronter la Vie, il s’engagera bientôt sur les chemins de son autonomie.

Comme tous les petits du monde….



LA CHASSE AU SAUMON


Bien installé et caché par le vent, bien que ce ne soit pas la première fois que j’assiste à tel spectacle, je reste en admiration devant l’habileté de cet animal à pêcher le saumon.
Nous sommes en automne et la proche hibernation lui fait avaler d’impressionnantes quantités de saumons sauvages qui se dirigent vers leur destin final, déployant toute leur énergie dans quelques centimètres d’eau.
La pêche devient alors l’essentiel de son activité.

Sa technique d’approche commence par une période de repérage.
Son instinct prédateur déclenché, il accroche sa proie du regard.
Une courte accélération et le voilà en chasse.
Le poisson esquive plusieurs attaques de son bourreau mais au premier contact, c’est déjà le coup de grâce.
Sa dextérité à pêcher n’a rien à envier à celle qu’il déploie ensuite pour débarrasser le saumon de son arête dorsale.
Et en déguster les morceaux de premier choix lui donne, tout à la fois, l’expression satisfaite du pêcheur comblé et celle du gastronome sauvage.


CONCLUSION


A Kodiak comme ailleurs, que le ciel soit gris ou qu’il soit bleu, que ce soit le silence ou l’agitation, les jours n’ont que vingt-quatre heures.
On ne touche pas au temps.
Il est cependant des portions de temps dont on se sera imprégné davantage que d’autres.
Un temps hors du temps.
Un temps béni.
Un temps de grâce.
De celui qui permet de vivre au présent comme toujours il faudrait.
De ce temps qui ne se conjugue ni au passé mort ni au futur encore à venir.
De ce temps qui sublime l’ici et maintenant, donnant alors aux êtres aux choses et aux évènements tout le poids qu’ils méritent qu’on leur donne.
Dans le juste milieu, apaisant et vrai.
Dans ce plaisir qu’il nous est donné d’être là. Simplement.
Les deux semaines de mon séjour arrivent à leur terme.
A mes pieds, mes bagages.
Dans mon dos, les moteurs de l’hydravion.
Un dernier regard circulaire sur ces paysages devenus familiers.
Un départ déchire. Toujours, même un peu.
Mais je pars un peu plus riche.
Tandis que nous quittons le sol et que l’au revoir des guides n’est plus qu’une silhouette confuse, me vient déjà au cœur, l’absence de l’ours.
Cependant rapidement consolée par l’image tenace que j’en conserve.
Par son lourd balancement qui se poursuit en moi.
Je regarde par le hublot.
Envie de lui parler:
« Je pars et reviendrai.
Ce jour-là comme hier, comme toujours, placide et solitaire tu iras l’amble.
Et je sais déjà, oui, je le sais, de nouveau, je te suivrai…» 

Je remercie Emmanuelle pour ses qualités d'écoute et sa façon naturelle de transcrire mes émotions sur papier.

22 mai 2011

ITINÉRAIRE BIS

EN ATTENDANT LE PÔLE NORD 

Il y a quelques années, je décide de rompre avec ma vie quotidienne. Afin de réagir zènement, je démissionne de mon emploi et profite de deux superbes mois printaniers à Londres. Je parcours la ville uniquement à pied. L'achat d'un appareil photo ne tarde pas. 

Les sujets principaux de mes planches- contacts étaient Les animaux en ville qui devint le titre de mon premier portfolio. L'envie de prendre des photos d'animaux loin d'ici est à l'origine de mes préparatifs. 

A Vancouver je loue un camping-car pour trois mois et parcours 6 000 Km entre la Colombie-Britannique et l'Alberta. Quelques mois plus tard, Les voyages dans cette région s'enchaînent saison après saison. Puis je pousse jusqu'en Alaska. Et ce n'est pas fini. 

AU MILIEU DE NULLE PART 

Lorsque je me retrouve seul en milieu forestier et montagneux, je ne ressens pas de changement d'état psychique... la transportation est impalpable, je m'adapte sans effort. Pour moi le luxe, c'est de changer de vue à chaque lever de soleil. Chaque matin je sors de mon terrier dans un site différent : Un lac, un relief, un champ sans fin…Mais parfois, je me gare vis-à-vis d'une épicerie locale agencée d'un banc et d'un WELCOME placardé sur la porte. Du pur authentique. 

Tous ces villages visités m'invitent à partager leur vie. Je suis devenu le cousin de France. Trois séjours prolongés en leur compagnie, automatiquement cela crée des liens. Le supermarché, la laverie, le développeur de photos, à chaque fois la rencontre fait son effet. On m'invite à des parties de billard jusqu'à l'aube Je suis aux premières loges pour choisir la qualité de mes photos. Des Cow-boys me font monter à cheval malgré mon hippophobie. 

Puis vint le contact avec la vie sauvage. 

Être réveillé par le piétinement d'un écureuil sur le toit de mon camping-car, il y a pire pour commencer la journée. Assister à l'aube, au réveil d'un couple de wapitis et les accompagner pour leur premier bain matinal, c'est magique. Faire du baby-sitting pour deux renardeaux de l'année sous l'œil prudent des parents consentants et protecteurs, cela me met en condition. Je me sens à ma place. 

Moins de 24 heures après mon arrivée, je me sens déjà observé, craint, accepté et attisant la curiosité. Je sais qu'une rencontre pourrait devenir une confrontation violente. En sortir victorieux dépend de mon instinct de survie. Pour le moment j'ai l'avantage de pouvoir choisir. M'adapter ou me retirer de ces lieux. L'animal, Lui n'a pas le choix. 

Trop perturbant et réveillant l'instinct prédateur de l'animal, il me faut éviter la fuite et taire ma peur. Je ne m'imagine pas devoir tuer un animal pour survivre. Je serai la proie. Le tuer, me rendra prédateur. 

PREMIERS PAS 

La rosée matinale révèle et développe les premières odeurs. Le bruit de mes pas diffère sous l'humidité du feuillage. Le silence brisé par le réveil de la nature en devient la parole. Localiser les oiseaux grâce à leurs chants devient mon premier jeu. Une partie de cache-cache me permet un premier contact visuel. 

Le Dieu Soleil entre en scène. Les couleurs s'illuminent tout autour de moi. Ce feu d'artifice déséquilibre ma vue. Les troncs d'arbre s'entrecroisent, les feuilles planent et tapissent un moelleux chemin à travers la forêt. La rosée devient pluie, le relief ondule. L'ordre caché dans un désordre apparent… 

Malgré ma lenteur de déplacement, je ne peux pas percevoir la moindre odeur et aucune vie ne m'était visible. J'enjambe un rocher que j'utilise comme hamac. Je claque un caillou contre mon nid. L'écho l'imite. Un court silence absolu me met en condition. Je concentre mes pensées sur ce que je peux entendre et sentir. Les volatiles se distinguent en premier. Une odeur de bois mouillé m'enivre. De nombreux bruits différents percutent mon ouie. Un pivert frappe les trois coups. Des saumons sauvages se dirigent vers leur destin final déployant toute leur énergie dans quelques centimètres d'eau. Courbées par les vents, de hautes herbes fouettent la surface du lac. 



SUR LA ROUTE 
PREMIERS CURIEUX, PREMIER CONTACT 


Rapidement le décor change. Je régularise la vitesse de mon camping-car à une vingtaine de km/heure. Des troupeaux de bovins broutent dans des champs verdoyants. Des kilomètres de barbelés délimitent d'autres champs travaillés par des machines agricoles. Une forêt déchirée par de nombreuses rivières encadre la vallée. Aucun défaut apparent, cette beauté n'en finit pas. 

Mon regard se pose sur une marmotte chahutant avec une de ses congénères. Je stoppe mon véhicule, je m'approche de quelques pas. Une pièce agricole cylindrique fait l'objet de leurs jeux. Je reste immobile. Leur curiosité les mène à quelques pas de moi. A mon tour d'être observé ...premiers curieux. 

Pas assez de temps pour faire plus ample connaissance. Un véhicule à six roues traînant son nuage de poussière, s'arrête à quelques mètres de moi, assez bruyamment pour effrayer mes nouveaux amis. Un Cow-boy en descend. Les présentations faites, je lui explique ce que je fais avec un appareil photo à la main. David m'invite à traverser son ranch pour accéder à la vallée. Ce que je fais après avoir rendu hommage à mon premier contact. 

MA RUEE VERS L'OUEST 

Impatient de rencontrer mon idole, je fais sortir Bonnie de son ranch. Elle me tient lieu de guide. Coiffé d'un Stetson cloué sur sa tête, moulée dans un blue-jean terminé par une paire de bottes locales, elle conduit un Pick-up hors normes européennes sur un chemin caillouteux et crevassé. Non habitué à me déplacer en 4X4, la chasse à l'ours me fut très authentique. Protégeant mon appareil photo d'une main en le serrant contre ma poitrine je ne me maintenais guère sur mon siège que de l'autre main. 

Nous prîmes des renseignements auprès des autochtones pour réduire notre zone de recherche au plus précis. Ce petit cercle tracé sur ma carte resta tout de même assez vaste. Mais je prends plaisir à pénétrer dans ce désert forestier. Une forêt rendue étouffante par l'accumulation de chaleur dans la caillasse. Son sol sec et le craquement de ses feuilles et des branches sous mes pas me laissèrent imaginer la fragilité de cette forêt en cas d'incendie. 

L'ECHAPPEE BELLE 

Ce fut bref. Croisant notre route à une dizaine de mètres de notre véhicule, il fût apeuré autant que j'étais surpris. Deux à trois secondes, assez pour le reconnaître. 

J'ai vu mon premier ours mais je reste tout de même sur ma faim. La méthode d'approche n'est pas des plus efficaces. Le silence et le calme intérieur me semblent de rigueur. 

Je le regarde disparaître. Je sais que lors d'une prochaine rencontre les présentations auront déjà été faites. 





COUP DE FOUDRE 

Plus que quelques heures de lumière naturelle. Je zigzague à travers cette forêt assez aérée pour qu'un vieux mâle Wapiti accompagné de dix-huit femelles puissent chercher un doux nid pour la nuit. La période de rut bat son plein. Il me regarde fièrement, je m'aligne sur son comportement. Je les suis. Nous nous surveillons. La confiance s'installant, j'en profite pour m'approcher et me mélanger au harem. Quelle sensation! Et le pacha qui m'observe d'un calme majestueux. Je garde une distance raisonnable pendant toute cette marche romantique. A cause de mon agitation les femelles accélèrent le pas. 

Je les abandonne et les regarde disparaître dans la pénombre. Et puis je ne sais plus trop où je suis. Tombé sous le charme de ces demoiselles, j'en ai perdu mon chemin. 

PAPARAZZO 

Je sais que ma patience devra sortir le grand jeu. Mon camping-car n'a pas bougé depuis trois jours. Mon isolement me permet de ne pas être dérangé par mes semblables. Ma position d'approche est passée rapidement d'une soixantaine de mètres à quelques pas. 

Mes visites sont de plus en plus fréquentes et prolongées. Je garde la même odeur, mes couleurs vestimentaires ne changent pas, je suis silencieux et lent dans mes déplacements. Jour après jour ils me permettent d'approcher et de rentrer dans leur intimité. Je dénombre une douzaine d'individus. Plusieurs entrées et sorties de leur terrier compliquent un peu mon recensement. 

Ils me laissent dépasser les limites acceptables. Je peux même me permettre de me déplacer autour d'eux en position verticale sans qu'aucune crainte n'apparaisse dans leurs comportements. Je commence à comprendre leurs horaires et je les quitte chaque soir en sachant que le lendemain, je pourrai me rapprocher de quelques pas. 

Le sixième jour je bascule de l'autre côté. Je suis assis à moins d'un mètre d'une communauté de marmottes. J'observe, j'écoute, je suis leurs regards, je participe à leurs jeux, je photographie. Je consacre cette dernière journée à profiter et à prendre conscience de cette rencontre. Je dois quitter ces lieux. Un ravitaillement devient nécessaire et je dois garder en mémoire que je ne suis qu'un visiteur. 

UN PEU PLUS AU NORD, PLUIE DE NUIT 

60C° de latitude nord, 3:15AM. A cette période de l'année il fait jour 24H/24. Je ne dors toujours pas. L'ambiance de la vie nocturne capte mon attention. Le vent est le chef d'orchestre. Le métronome, ces grands arbres qui se balancent dans un crépitement strident. Des branches terminent leur chute sur la toile de ma tente. La pluie retenue par les feuilles reflète la lumière solaire. Emmitouflé dans mon duvet, j'écoute ce concert de pluie. 



Légèrement vêtu, je m'éloigne du campement. Des les premiers pas je réveille les habitants de la crique. Les ondes de choc dessinées par le plongeon des loutres de mer me permettent de compter trois individus. Après un passage silencieux au dessus de moi, un pygargue s'éloigne pour se poser quelques arbres plus loin. 

J'approche de l'orée de la forêt. Les loutres ont repris une position horizontale. Le pygargue m'accompagne du regard jusqu'à ce que je disparaisse dans la forêt. 

COMME SI DE RIEN N'ETAIT 

Cinquante mètres, droit devant. Je suis seul. L'endroit est propice pour lui pour s'enfuir si nécessaire. Il m'a vu en premier, à lui de choisir. 

Celui-ci, c'est le bon! Pas de doute. Je m'approche de lui d'une démarche élancée mais très souple comme si je me hâtais avec lenteur. Au premier regard il me paraît plus indifférent qu'agressif. Au rythme de ses pas, nous nous rapprochons l'un de l'autre. Nous sommes à égalité, ni lui ni moi ne dégageons la moindre crainte. Je perds un sens. Celui qui devrait m'alerter devant le danger. Pourtant tout va bien. 

Cinq mètres, il se dresse sur ses pattes arrière, je lui souris. Il me renifle, je lui raconte notre vie. Son odeur agite mes narines. A chacun son tour ! Si j'avance de quelques pas, je le touche. Nous préférons garder nos distances. 

Il est préférable de se quitter et de reprendre chacun sa route. Il s'éloigne. Plusieurs minutes me seront nécessaires pour réaliser ces derniers instants. 

Je flageole légèrement sur mes jambes. Mon souffle est normal. J'empoigne mon appareil. La nuit prend place. 

LES LOUTRES DE MER 

L'un des buts principaux de ce voyage était de découvrir l'Alaska et de prendre des photos de loutres de mer. Imaginer que j'allais approcher des loutres dans leur environnement naturel me fit oublier le laborieux voyage aérien de Paris jusqu'à Cordova en Alaska. Même si trois transits sont nécessaires et la fatigue commençant à m'anéantir, je deviens de plus en plus excité et plus particulièrement entre Seattle et Cordova. De courtes étapes de ravitaillement à Yakutat, Juneau et Lake Eyak me font réaliser que je devenais de plus en plus petit et sauvage. Etapes après étapes, les aéroports me restituaient les couleurs et les odeurs locales. Je m'attendais à ce genre de réaction mais ce fut au dessus de toute attente... Je me sentais comme quelqu'un qui venait de retrouver ses racines alors que je n'avais jamais foulé cette terre. 

M'engager comme volontaire pour une expédition scientifique fut une parfaite opportunité pour approcher les loutres de mer dans leur milieu naturel. Notre base dans la baie de Prince William était préservée de tout afflux touristique estival, ce qui ne provoque aucune pollution visuelle. Vingt minutes d'hydravion était nécessaires pour nos ravitaillements hebdomadaires. 

J'ai eu le plaisir*** de caresser une loutre de mer. C'était comme une peluche fabriquée avec de la soie et du velours. Avec des centaines de milliers de poils au centimètre carré et d'un poids pouvant atteindre 45 kg pour les mâles, cet animal est d'une adorable beauté. 

** *Nous avons trouvé une loutre morte qui flottait. Embarquée sur notre bateau nous la ramenâmes à la base pour une étude approfondie. 

Véritable athlète, les loutres de mer sont dépourvues de graisse. Elles doivent manger chaque jour l'équivalent d'un quart de leur poids. Leur menu quotidien d'une dizaine de kilos se compose essentiellement de clams, étoiles de mer, oursins, moules et pieuvres. Parfois à marée basse, les plages étaient recouvertes de coquilles de bivalves vides ce qui leur donnent une couleur d'île paradisiaque moderne. Passant la majeure partie de leur temps dans l'eau salée, les loutres doivent maintenir leur fourrure en parfaite condition. Un toilettage quotidien de plusieurs heures à frotter leur fourrure à l'aide de leurs pattes est donc nécessaire. D'une souplesse olympique, les loutres n'épargnent aucune partie de leur fourrure. Ce petit bout d'athlète pouvant se déplacer à plus de trois mètres par seconde et une moyenne de trois minutes trente en apnée est le bout en train de ce royaume. 

Lors de nos recensements, environ 125 loutres vivent en permanence dans les eaux de Simpson Bay. C'est comme un village bien organisé par les lois de la nature où se côtoient ours, phoques, marsouins, pygargues. J'étais l'invité d'honneur ... Je reviendrai. 

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